il dit
« salut Clémence »
et moi
je dis rien
je suis pas Clémence
j’e l’ai jamais été
j’ai pas prévu de le devenir
mais c’est pas grave
au fond
ça change quoi ?
un prénom
c’est juste une étiquette
mal cousue sur une peau qu’on a pas choisie
et lui
il parle
il me raconte
des souvenirs qu’on a pas partagés
des trucs qu’on aurait pu vivre
si j’étais Clémence
qu’il semble aimer un peu
alors je hoche la tête
comme si j’étais digne
de ses confusions
je deviens Clémence
version intérimaire
remplaçante de l’affect
je me dis que peut-être
j’ai l’air d’une Clémence
que je me tiens comme elle
dans le flou
il me remercie
me dit « à bientôt »
et s’éloigne
heureux de cette fausse retrouvaille
moi je reste là
avec un prénom collé au front
comme un post-it mouillé
et je me dis
qu’on passe parfois toute une vie
à pas corriger les gens
juste pour éviter
de devoir exister correctement

