Clémentine Pons

Toulouse


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Chats errants / Mon compagnon de vertige


On est des chat errants
oui / nerveux / qui griffent et ronronnent
(parfois)
errance partagée
une survie de chats fêlés sur les tuiles du monde
des sales chats errants qui rampent sur les toits
pelages défoncés
cœurs en vrac
même si personne veut de nous
même si on pue la nuit et la blessure
t’as les yeux qui brillent comme des lames
et moi j’ai les côtes saillantes du manque


on se frotte à la lune
on crache sur les gens polis depuis les hauteurs
on ronronne que quand on saigne un peu
tu m’as trouvée planquée sous une gouttière
la gueule fendue de silence
et t’as pas eu peur
t’as dit « viens »
comme on dit « meurs avec moi » mais plus lentement


t’as partagé ton sang / ton toit / ta fièvre
comme si c’était normal de s’aimer entre bêtes cassées
on court sur les arêtes du monde
fugitifs du réel
roi et reine des interstices
on n’a pas d’adresse mais on a des coins
des refuges crades où on miaule nos douleurs
et tu poses ta patte sur mon front quand j’ai trop de feu dans la tête
t’es mon calme
mon compagnon de vertige


on n’est pas faits pour les salons
pour les caresses propres
on est faits pour la nuit
pour les toits
pour l’orage
mais putain
t’es mon territoire
et je te laisserai jamais derrière
tremblants d’amour défiguré
amour sans frein
sans gants
sans morale
je t’aime comme on saigne
sans faire gaffe aux draps


je t’aime dans le bruit
dans la boue
dans le fiel
je t’aime sans mode d’emploi
sans compteur
je t’aime même quand t’as la gueule fendue de colère
même quand tu craches sur le soleil et que tu dors trois jours d’affilée
je t’aime quand tu fais peur aux gens normaux
quand tu marches de travers
quand t’es tordu comme un arbre frappé dix fois
je t’aime parce que t’as pas besoin d’être sauvé
parce que t’as jamais joué à l’enfant blessé pour qu’on t’aime mieux


aimer c’est pas une récompense
c’est une morsure qui veut pas lâcher
c’est hurler dans le noir avec quelqu’un qui tremble pareil
c’est te dire « reste » sans pleurer
c’est être là
même si ça pue
même si ça pique
même si ça casse


je t’aime avec la langue
les tripes
les mauvaises idées
je t’aime dans le vide
sans attendre que tu reviennes
je t’aime sans te corriger
je t’aime comme t’es
l’amour qui reste
l’amour qui soutient même quand la tête hurle et que le monde fout le camp
sale / tendre / vrai


tu m’a pas lâchée
quand j’étais malade
quand mon cerveau est parti en vrille
quand j’ai commencé à parler aux murs
à pleurer sans raison
à dormir les jours comme des cercueils
quand j’ai hurlé des trucs qui font peur
des mots qui mordent
des silences qui tuent


t’as pas fui
quand j’étais qu’un amas de nerfs
une tempête en sous-vêtements
quand j’ai claqué des portes
vomi mes médocs
griffé mes nuits
quand j’ai dit « je veux crever sans faire de poésie »


t’as tenu
fort
pas pour me réparer
pas pour jouer au sauveur à deux balles
juste pour être là
présent
même quand je flottais loin de tout
même quand j’étais plus qu’un souffle coincé dans un coin de la pièce
tu m’as aimée comme on tient un corps fiévreux
sans peur d’être brûlé


t’as dit ok à mes tempêtes
t’as dit je reste même quand c’était laid
t’as dit « je te crois » quand personne comprenait rien
t’as porté mes morceaux sans te couper les mains
t’as mis ton cœur autour du mien comme un bandage propre
et moi j’ai appris que c’est ça
l’amour
pas les fleurs
pas les promesses
juste quelqu’un qui te voit t’écrouler
et qui dit
« t’inquiète
je plie avec toi »